La cible d’inflation débat à côté de la plaque

Peut-on encore attendre des banques centrales depuis qu’elles ont épuisé leurs cartouches ? Qu’elles parviennent à continuer de stabiliser le système financier serait déjà bien beau ! Dans ces conditions, que va pouvoir donner le débat sur la stratégie de la BCE que Christine Lagarde a promis et qui a sans l’attendre commencé ?

Dans le meilleur des cas, il va occuper les esprits et mobiliser les énergies, la nouvelle patronne de l’institution de Francfort n’ayant par ailleurs d’autre ressource que de poursuivre ce que son prédécesseur a initié, et pour le pire de se fourvoyer dans l’impasse de la révision de l’objectif d’inflation. Car les monétaristes ne désarment pas et voudraient le baisser pour qu’il soit en accord avec la faiblesse irréductible de celle-ci. On voit venir un passionnant débat opposant ceux qui voudraient que la cible soit symétrique à ceux qui préfèreraient qu’elle soit asymétrique…

En toute clarté, le testament de Mario Draghi aborde un sujet tabou pour les partisans acharnés de la rétention budgétaire. L’Eurozone devrait selon lui se doter d’une capacité budgétaire dimensionnée de telle sorte qu’elle puisse être un puissant « macro stabilisateur ». Quant à l’émergence d’un débat théorique sur la cible d’inflation, elle est à côté de la plaque. Et le soi-disant début d’ouverture du ministre des Finances Olaf Scholz à propos de la garantie européenne des dépôts et de l’Union bancaire n’est qu’une promesse de Gascon.

Le ministre a notamment posé comme condition à sa mise en place que les banques nettoient préalablement leurs bilans des actifs non recouvrables, les NPL, avec pour objectif que le taux de 5% des encours bruts ne soit pas dépassé dans tous les pays membres. À première vue, cela pourrait sembler raisonnable, l’Autorité bancaire européenne ayant estimé que le taux moyen de 3% avait été atteint en juin dernier, mais cette moyenne cache une grande disparité de situation. À cette date, ce taux était par exemple de 32,9% en Grèce et de 9% en Italie, ce qui représentait vu la taille du système bancaire de cette dernière la coquette somme de 137 milliards d’euros à elle seule.

Et, de toute façon, quand bien même l’Union bancaire serait achevée, cela ne changerait rien à la situation de l’économie. Y remédier impliquerait que soit réalisée une union budgétaire solide et créé un actif mutualisé. Ceux qui l’on proposé ont parlé dans le vide. Par contre, sans surprise, la Commission vient de se projeter dans l’avenir et n’y a décelé que faible croissance et inflation persistante, la récession évitée grâce à l’application d’un scénario optimiste en raison de ses présupposés.

En réalité, le concept même de cible d’inflation, né dans les années 80, est dorénavant en question. Si la BCE devait entamer une réflexion stratégique approfondie, plutôt que modifier sa cible, elle devrait s’interroger sur la nature du processus inflationniste. Mais cela supposerait une mise en cause de plus du cadre conceptuel communément admis, auquel il semble impossible de déroger à moins que l’on ne puisse plus y échapper.

Que va faire Christine Lagarde à part survoler le débat stratégique ? Les ouvertures politiques indispensables sont d’ordre budgétaire, pour commencer, et ce n’est pas à Francfort que cela pourra se décider.

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